Paris et les souvenirs
Au cours d'une séance de montage,
une amie lui a cuisiné sans le savoir
les champignons rapportés de Tchernobyl
qui traînaient dans un bocal.
S'en aperçoit trop tard.


Il s'allonge.
Des images de son passé ressurgissent.
Comme celles de son premier film, à huit ans.
Des images fixes de son chat
dessinées sur du papier calque
et projetées avec une lanterne magique.
Ses amis restaient médusés
parce que les images ne bougeaient pas.
Sensation néanmoins d'avoir capté
quelque chose du monde réel.



Se rappelle aussi l'image d'une comédienne
au regard clair et bouleversant
qui incarnait une héroïne résistante dans un film muet.
Il comprit alors qu'un visage
pouvait devenir la chose la plus précieuse au monde.


Se rappelle la fille du lycée Pasteur.
A l'époque, filles et garçons n'avaient pas le droit
de se fréquenter dans l'établissement.
Ils sortaient chacun sur deux trottoirs opposés
en s'épiant, avant de se retrouver plus loin.



Echanges d'idées autour
de la revue Le Trait d'union
dont il était le rédacteur en chef.
La guerre approchait.
La fille allait bientôt changer de nom
pour dissimuler ses origines
et incarner d'autres identités
sous les feux des projecteurs.



Se rappelle avoir lui aussi changé de nom
pendant la guerre lorsqu'il s'engagea
dans la Résistance chez les Francs-Tireurs et Partisans
puis comme parachutiste dans l'armée américaine.



Les fragments de sa mémoire se sont figés
dans un moment présent,
comme un vaste panorama intérieur,
pour former l'itinéraire cartographié
de son pays imaginaire.
Puis il sort de sa léthargie,
prêt à repartir.